Pour de jeunes hérissons dormir est affaire capitale, mais satisfaire leur curiosité a tout autant d’importance. Celle-ci va les amener à s’éloigner de leur maman – pas trop loin quand même – alors zou mes amis, partons à l’assaut de la nuit !

Quand on bénéficie d’une lune bien pleine et argentée, les alentours semblent infinis, peuplés d’ombres plus ou moins étranges. Ça rajoute des piquants sur le dos, ça émoustille le museau, ça donne de sacrées émotions à nos 5 aventuriers !

Un sabot gratte le sol. Le bruit vient de l’écurie toute proche que la petite bande connaît déjà bien. « Salut les copains ! ». Les 3 demoiselles hérissonnes rentrent tout de suite en grande discussion avec les chevaux : « C’est si agréable ici, nous avons bien de la chance d’avoir trouvé un espace de verdure aussi chouette » « Vous savez les filles, dit l’un des chevaux, mon ancien maître m’a laissé ici, parce qu’il ne pouvait plus s’occuper de moi. Avant je l’aidais tous les jours dans les champs, et maintenant je suis comme un roi ici, aux Chevaliers de l’Astrée ».

Cependant que la discussion se poursuit, les 2 garçons hérissons sont attirés par un bruit étrange. Quel est donc ce grognement venu de cette ombre là-bas qui file le long des canisses en osier bordant les allées ? Les petits se mettent en quête, non sans une certaine peur, mais bon quand il faut y aller, faut y aller ! Le bruit étrange s’intensifie. L’ombre amplifiée par la clarté lunaire avance toujours et se rapproche des petits qui se figent sur place et… mais non, pas possible ! Ce n’est qu’un hérisson, un vieux et gros mâle hérisson à la recherche d’escargots. Les petits enquêteurs en restent médusés et les chevaux de rire, de rire à n’en plus pouvoir devant leur air si stupéfait.

Certes un peu décontenancés mais tout de même rassurés qu’il ne s’agisse que d’un congénère, nos 5 petits décident de suivre le gros hérisson à bonne distance. Soudain ils le voient s’approcher d’une masse gigantesque. Au loin, ils entendent un des chevaux leur dire : « N’ayez pas peur les jeunes, c’est le jardinier. Il a travaillé toute la journée dans le jardin mandala. Le malheureux s’est endormi tout à l’heure comme une masse le nez dans les salades. Entendez un peu comme il ronfle ! ». Nos hérissons inspectent le jardinier. Le plus curieux visite les poches, un autre renifle les cheveux, un troisième mordille le lobe de l’oreille puis brusquement toute la fratrie se met aux abris ; une chevêche d’Athéna ou chouette chevêche qui rode dans les parages, vient de troubler l’air de la nuit. Bien qu’inoffensive pour les hérissons, ils suivent les conseils de leur maman quant au danger des oiseaux de nuit, et restent toujours sur leur garde.

Les petits sont de nouveau attirés par le gros hérisson qui leur offre un spectacle insolite. Les pieds du jardinier ont-ils à ses yeux quelque chose de particulier ? Il  renifle la chaussure droite avec insistance, puis la chaussure gauche qu’il escalade, puis se hasarde dans le tunnel étroit du pantalon, ressort, essaye l’autre tunnel d’étoffe pourtant tout aussi étroit et voilà que soudain le « tunnel » se met à bouger, se soulève, entraînant avec lui le vieil hérisson. Oh là là ! Que va-t-il advenir de lui ? Roulé en boule, le voici qui dégringole, rebondit, et atterrit sur son derrière au milieu du parterre des herbes potagères. Est-il blessé ? Heureusement non, il lance même un grognement satisfait : rôngnmh-gnam-gloum-miam ! Sa recherche n’a pas été vaine. Entre ses griffes s’agite un délicieux mille-pattes qu’il engloutit aussitôt avec gourmandise !

 

Le jardinier ne s’est rendu compte de rien. Délivré du mille-pattes – qui aurait sans doute fini par le réveiller – il dort toujours profondément, finissant sa nuit comme il l’avait commencé. Quant au gros hérisson il se remet en chemin bruyamment et disparaît bientôt dans l’épaisseur des pieds de tomates anciennes.

 

Soudain, on entend au loin : « Les petits, où êtes-vous ? »  « Maman, on arrive, on a plein de choses à te raconter »